
Cette phrase : »Seule Paris est digne de Rome et seule Rome est digne de Paris » veut tout dire. Elle représente à elle seule la relation d’admiration et de fierté des ces deux villes. Ville Lumière ou Ville Eternelle ?
Le duel est sans fin, et les cœurs des esthètes et des historiens se partagent, irrémédiablement tiraillés entre deux magnétismes inégalés : Paris et Rome. De ces deux villes, laquelle est la plus belle, la plus pure, la plus parfaite, la plus inviolée, la moins saccagée ? La question, insoluble, nourrit un débat sans fin, un dialogue millénaire entre la fille et la mère putative, l’aspirante et l’éternelle.
Paris Romain ? Lutèce vs Rome ? Paris ou Rome ? Rome ou Paris ? Le duel est sans fin. De ces deux villes, laquelle est la plus belle, la plus pure, la plus parfaite, la plus inviolée, la moins saccagée ? Les partisans de Paris louent sa variété, son sens de l’adaptation, sa vigueur, sa grandeur.

paris et la tour Eiffel

Rome la ville Eternelle
Les séides de Rome, quant à eux, s’inclinent devant son climat doux et enveloppant, sa langueur sensuelle, son charme opulente et désordonné, et surtout, son éternité. Rome, c’est une stratigraphie vivante de l’histoire humaine, un palimpseste où chaque pierre murmure des millénaires. C’est la puissance de l’Empire, la spiritualité de la Papauté, la flamboyance de la Renaissance et du Baroque. La Cité Éternelle n’est pas seulement une ville ; c’est un testament, un mythe incarné.
Mais tous, qu’ils soient fervents défenseurs de la Ville Lumière ou inconditionnels de la Cité Éternelle, s’accordent sur un point fondamental : n’en déplaise à Londres et à sa puissance financière, à Berlin et à sa résilience, à Vienne et à son élégance impériale, à New York et à son vertige de modernité, elles sont ici, ces deux majestés, les deux plus belles villes du monde. Elles représentent des archétypes, des sommets de la civilisation urbaine.
Rome : L’Antériorité Historique, la Mère Fondatrice
L’antériorité historique de Rome est incontestable. Fondée, selon la légende, en 753 av. J.-C., elle a précédé Lutèce de plusieurs siècles. Rome a été la capitale d’un empire qui a dominé le monde occidental pendant plus de mille ans, jetant les bases de notre droit, de notre administration, de notre ingénierie et d’une part significative de notre culture. Ses vestiges sont les cicatrices glorieuses d’une grandeur passée, mais aussi les fondations d’une ville qui a continué à se développer et à se transformer sans jamais renier son héritage. Les forums romains, le Colisée, le Panthéon, les aqueducs, les catacombes – chaque élément témoigne d’une puissance et d’une inventivité qui n’ont que très rarement été égalées.
C’est cette Rome, la Caput Mundi, qui a fasciné et inspiré. La postérité de l’Empire romain, même après sa chute, a continué d’irradier, notamment à travers l’Église catholique qui a fait de Rome son centre spirituel, mais aussi par l’exemple de ses institutions et la magnificence de son art. La Rome de la Renaissance, puis celle du Baroque, a offert au monde des chefs-d’œuvre qui ont redéfini l’esthétique et l’urbanisme.
Ses fontaines chantantes, ses places théâtrales, ses dômes élévateurs sont des invitations permanentes à la contemplation et à l’émerveillement. C’est une ville qui respire l’histoire, où les millénaires se côtoient sans friction, où une colonne antique peut surgir au milieu d’un carrefour moderne, et où la décadence des palais se mêle à la vivacité de la vie quotidienne.
Paris-Lutèce : L’Héritière Ambiguë, le Regard Tourné vers Rome
Paris, née de Lutèce, un modeste oppidum gaulois conquis par les Romains, a grandi dans l’ombre et l’admiration de cette civilisation mère. Longtemps simple capitale d’un royaume parmi d’autres, sa véritable ascension vers la grandeur ne s’est consolidée qu’à partir du Moyen Âge, pour s’épanouir pleinement sous l’Ancien Régime et exploser après la Révolution. Mais même en se forgeant une identité unique, Paris n’a cessé de lorgner vers Rome, reconnaissant en elle un modèle de puissance impériale, d’ordre architectural et de raffinement culturel.
Cette fascination est particulièrement palpable à certaines périodes clés de l’histoire parisienne, notamment sous l’impulsion de souverains désireux d’affirmer leur légitimité et la grandeur de leur empire naissant. Napoléon Ier en fut le plus ardent promoteur, voyant dans Rome non seulement un modèle esthétique, mais aussi un parangon de pouvoir et d’organisation. Pour lui, bâtir un « nouvel Empire romain » passait aussi par l’adoption de son langage architectural, signe infaillible de pérennité et de gloire.
Les Clins d’Œil Architecturaux à Rome dans Paris
Rome ayant pour elle l’antériorité historique, Paris l’a souvent lorgné. Et il est amusant d’en retrouver les clins d’œil dans certains monuments parisiens.
Il est amusant, et finalement très révélateur, d’en retrouver les clins d’œil dans certains monuments parisiens, témoignages éloquents de cette filiation assumée, parfois même revendiquée.
Le Panthéon à Rome et à Paris : Le Panthéon de Rome, temple antique dédié à toutes les divinités, puis église, puis nécropole de grands hommes, est un chef-d’œuvre d’ingénierie et d’esthétique, célèbre pour son dôme percé d’un oculus. À Paris, le Panthéon (anciennement église Sainte-Geneviève) est aussi une œuvre majeure du néoclassicisme, conçue par Soufflot.
Si son dôme est très différent de celui de Rome, sa façade à colonnes corinthiennes et son rôle de nécropole nationale pour les « grands hommes » de la République française en font un héritier spirituel, un lieu où la grandeur nationale est célébrée avec la solennité de l’Antiquité. Il incarne l’idée d’un « temple de la nation », une aspiration à une forme de grandeur civique qui n’est pas sans rappeler l’esprit romain.
- Le Panthéon de Rome
- Le Panthéon de Paris
Le Palais Brongniart et le Temple de Vespasien : Le Palais Brongniart, ancien siège de la Bourse de Paris, est un exemple frappant. Construit par Alexandre-Théodore Brongniart au début du XIXe siècle et achevé par Éloi Labarre, il se voulait une incarnation de la puissance économique grandissante de la France post-révolutionnaire et napoléonienne.
Son architecture néoclassique, sobre et imposante, avec ses colonnes corinthiennes et son péristyle, présente en effet une ressemblance frappante avec le Temple de Vespasien et Titus dans le Forum Romain. L’alignement de colonnes, la régularité et la sobriété du style rappellent l’architecture des temples antiques, symbolisant la stabilité, la confiance et la pérennité, des qualités essentielles pour un bâtiment dédié à la finance. C’était une manière d’ancrer le pouvoir économique dans une tradition de magnificence et de classicisme.

Palais Brogniart place de la Bourse copyright Maxime R
- Temple de Vespasien et de Titus sur le forum de Rome
- Temple de Vespasien et de Titus sur le forum de Rome-détails
- Détails de la colonne du Temple de Vespasien et de Tit
- Le Temple de Vespasien et de Titus depuis le forum romain
- Palais Brogniart place de la Bourse copyright Maxime R
L’église Notre-Dame de Lorette et Sainte-Marie-Majeure : L’église Notre-Dame de Lorette, construite de 1823 à 1836 par Hippolyte Le Bas, est un autre exemple d’émulation religieuse et artistique. Inspirée de la Basilique Sainte-Marie Majeure à Rome, l’une des quatre grandes basiliques papales, elle reprend son plan basilical, ses colonnades intérieures et son atmosphère richement décorée.
La volonté de l’architecte était de créer un lieu de culte qui allie la grandeur et la spiritualité des grandes basiliques romaines à l’élégance du style néoclassique français. C’est une tentative de transférer à Paris la majesté de l’architecture religieuse romaine, faisant écho à la centralité spirituelle de Rome.

L’église Notre-Dame de Lorette Paris

L’église Sainte-Marie-Majeure rome
La Colonne Vendôme et la Colonne Trajane : La Colonne Vendôme (1806-1810) est sans doute l’une des imitations les plus directes et les plus symboliques. Fondue avec les 1200 canons pris aux Russes et aux Autrichiens après la bataille d’Austerlitz en 1805, elle est une imitation explicite de la Colonne Trajane, érigée à Rome en l’honneur de l’empereur Trajan.
Comme son modèle antique, la Colonne Vendôme est une colonne triomphale historiée, dont le fût est orné d’une spirale de bas-reliefs racontant les campagnes napoléoniennes, culminant à l’origine avec une statue de Napoléon en empereur romain. Cette colonne n’est pas seulement un hommage architectural ; c’est une déclaration politique, une tentative de Napoléon de s’inscrire dans la lignée des grands empereurs romains, d’affirmer la pérennité et la gloire de son empire par l’emprunt direct de ses symboles les plus puissants.
- Rome et la colonne Trajan qui inspira la colonne vendôme parisienne
- Paris La colonne Vendôme.
Paris Romain Les Arcs de Triomphe :
- L’Arc de Triomphe du Carrousel (1806-1808) : Érigé pour célébrer les victoires de l’armée française de 1805 à 1808, cet arc trouve ses modèles les plus directs dans les arcs de Septime Sévère et de Constantin à Rome. Comme eux, il est un arc à trois baies, richement sculpté de scènes de batailles et de trophées. Sa position, marquant l’entrée des Tuileries, et son iconographie, glorifiant les armées impériales, sont une réminiscence claire des arcs romains qui célébraient les triomphes des empereurs et de leurs légions. C’est une miniaturisation élégante de la tradition triomphale romaine, adaptée à une échelle plus intime mais non moins significative.
- Arc de Constantin by Mark Cartwright
- arc de triomphe du carrousel Paris
L’Arc de Triomphe de l’Étoile (1806-1836) : Commandé également par Napoléon en 1806, celui de l’Étoile les rappelle par le gigantisme (il fait 50 m de hauteur et 45 de largeur), mais s’inspire plus spécifiquement de l’arc de Tétrapyle de Janus à Rome, un arc à quatre faces, bien que l’Arc de l’Étoile soit bionique avec ses deux grandes faces. Son ambition monumentale, son échelle colossale et sa position au centre d’une étoile de douze avenues en font un symbole national puissant, un hommage grandiose aux armées françaises.
Il dépasse la simple imitation pour se muer en un monument unique, tout en conservant l’esprit de grandeur et de célébration de la victoire hérité de Rome. L’Arc de l’Étoile, bien que reprenant des motifs romains, parvient à une originalité et une démesure qui lui sont propres, le distinguant par sa masse et son emplacement urbain exceptionnel.
arc de triomphe de l’étoile
La Madeleine et son Esprit Antique : Et si La Madeleine, commandée par Napoléon à Pierre Vignon, est d’esprit antique, elle s’inspire cette fois moins spécifiquement d’un modèle romain que d’un temple grec périptère (entouré de colonnes sur ses quatre faces). L’idée était d’en faire un « Temple à la Gloire des Armées Françaises ».
Si l’influence directe est grecque (Parthénon), l’appropriation par l’Empire napoléonien d’une esthétique classique pour célébrer la puissance militaire et civile de l’État n’est pas sans rappeler la manière dont Rome a elle-même assimilé et adapté l’art grec. La Madeleine incarne cette aspiration néoclassique à la pureté des formes antiques, à leur solennité et à leur intemporalité, pour asseoir la grandeur d’un régime.

Eglise de la Madeleine by Eischmatt
La Butte Montmartre et la Campagne Romaine : Enfin, l’inspiration latine ne se limite pas à la pierre et au marbre. La butte Montmartre elle-même, avec ses paysages vallonnés et ses lumières changeantes, aurait une résonance romaine. Gérard de Nerval, poète et voyageur, saisit cette connexion de manière poétique : « Que d’artistes repoussés du prix de Rome sont venus sur ce point étudier la campagne romaine et l’aspect des marais Pontins ! »
Cette observation révèle une aspiration plus profonde de l’âme artistique française : celle de trouver dans son propre paysage une harmonie et une lumière qui rappellent les scènes idylliques et les atmosphères mélancoliques de la campagne italienne, si chère aux peintres. C’est l’idée que, même loin des ruines grandioses, l’esprit classique peut être retrouvé dans la nature et dans la lumière, une quête de l’idéal intemporel.

Vue sur la butte Montmartre – Paris @petch77
Sources:
Ministère de la Culture – Archéologie :
Ville de Paris – Pôle archéologique :
Musée Carnavalet – Histoire de Paris :
Crypte archéologique de Notre-Dame :
- Site officiel des musées de Paris
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