
La Florence des Médicis ! Son nom seul évoque des fresques lumineuses, des sculptures majestueuses et le souffle puissant de la Renaissance. Au cœur de cette effervescence culturelle et politique, trône la famille Médicis, dont le destin s’entremêle si intimement avec celui de la cité toscane. On connaît Laurent le Magnifique, le mécène éclairé, le diplomate virtuose. Mais dans l’ombre de son illustre frère, ou plutôt à ses côtés, brillait une autre étoile, tout aussi fascinante : Julien-Giuliano de’ Medici.
Loin d’être le fils illégitime de Cosme l’Ancien comme on le prétend parfois, Giuliano était le digne fils de Piero de’ Medici, dit le Goutteux, et de la lumineuse Lucrezia Tornabuoni, et donc le petit-fils du patriarche Cosme. Né en 1453, il fut élevé dans le luxe et la culture, destiné à partager les rênes de Florence avec son aîné. Sa vie, courte mais intense, fut un tourbillon de grâce, de pouvoir et, finalement, de tragédie. Partons ensemble à la découverte de ce personnage capital, souvent éclipsé, mais dont l’influence fut loin d’être négligeable.
I. Florence et les Médicis : Un Contexte de Splendeur et de Pouvoir
Pour comprendre Giuliano, il faut d’abord s’immerger dans la Florence du XVe siècle. La République florentine est alors un véritable laboratoire de modernité. C’est une cité-État prospère, dont l’économie repose sur le commerce de la laine et de la soie, mais surtout sur la puissance de ses banquiers. Au sommet de cette puissance, les Médicis ont tissé une toile d’influence si dense qu’ils dirigent Florence de facto, sans jamais en abolir formellement les institutions républicaines. C’est une subtilité politique dont ils sont passés maîtres.

Julien-Giuliano de Médicis : L’Éclat Tragique de Florence
Cosme l’Ancien avait fondé leur hégémonie. Son fils, Piero le Goutteux, malgré sa santé fragile, avait maintenu l’équilibre. Viennent ensuite Lorenzo et Giuliano. Deux frères, deux personnalités complémentaires, élevés pour régner sur l’une des villes les plus puissantes et les plus cultivées d’Europe. Leur éducation est exemplaire : humanités, philosophie, latin, grec, arts, équitation, joutes… Rien n’est laissé au hasard pour former les futurs maîtres de Florence.
II. Julien Giuliano, le Cœur et l’Esprit de Florence
Si Laurent, l’aîné, était l’esprit stratège, le cerveau politique, Giuliano incarnait le cœur battant de la cité. Il était une figure de proue, un ambassadeur du charme et de la vitalité florentine.
A. Le Charmeur de Florence : Une Présence Magnétique
Ah, Giuliano ! Si les portraits ne mentent pas et si les chroniques florentines ne sont pas trop enjolivées, il fut indéniablement un homme d’une beauté remarquable. Les mots que vous avez lancés, « Plutôt beau gosse non ? », résonnent avec les descriptions de ses contemporains. Il possédait une élégance naturelle, une prestance athlétique et un visage qui, sous les pinceaux de Botticelli, est devenu une icône de la Renaissance. Son célèbre Portrait de Giuliano de’ Medici nous révèle un homme aux yeux mélancoliques, à la peau claire, aux cheveux sombres et à la fière stature.
Contrairement à son frère Laurent, dont l’apparence physique était loin des canons de beauté de l’époque, Giuliano brillait par sa grâce. On le disait virtuose à l’équitation, habile au maniement des armes et champion des joutes – des qualités qui faisaient de lui un héros aux yeux du peuple et des dames de Florence.

Julien de Médicis. Peinture à l’huile d’il Bronzino. (Musée Médicis, Florence.)Ph. G. Tomsich © Archives Larbor
Son nom est d’ailleurs inextricablement lié à celui de Simonetta Vespucci, une beauté légendaire de l’époque, dont on murmure qu’elle fut le grand amour de Giuliano. Si leur histoire reste empreinte d’une part de mythe, elle a inspiré nombre d’artistes, dont Botticelli encore, qui aurait peint Simonetta sous les traits de Vénus dans sa célèbre Naissance de Vénus. Giuliano, avec son talent pour la poésie et son esprit chevaleresque, incarne parfaitement l’idéal de l’homme de la Renaissance : cultivé, raffiné et séducteur.
B. Le Soutien Indispensable de Laurent le Magnifique
Qualifier Julien de simple « bras droit » serait réducteur. Il était bien plus que cela. Il était le pendant, la contrepartie essentielle à Laurent. Laurent, l’intellectuel, le diplomate, le stratège qui passait des heures à comploter et à négocier dans les coulisses du pouvoir. Et Giuliano, l’homme du peuple, le visage avenant, celui qui gagnait les cœurs par sa prestance et sa sociabilité.
Ensemble, ils formaient un duo équilibré, une sorte de « co-régence » de fait. Laurent s’occupait des affaires d’État complexes et des relations internationales, tandis que Giuliano était souvent chargé des tâches plus officielles, des réceptions ostentatoires, des tournois et des événements publics, renforçant l’image populaire et bienveillante des Médicis.
Il était l’incarnation de la magnificence de Florence, apportant un charme et une légèreté qui équilibraient la gravité et parfois l’austérité de son frère. Sa présence rassurait le peuple et désarmait les potentiels rivaux par sa seule popularité.

Florence du temps des Médicis.
C. Mécène à son Tour : L’Amour des Arts et des Idées
Si Laurent est resté dans l’histoire comme « le Magnifique » pour son mécénat sans précédent, Giuliano n’était pas en reste. Il partageait avec son frère un amour profond pour les arts, la littérature et la philosophie. Élevé au contact des plus grands esprits de son temps, il fréquentait assidûment la cour médicéenne, creuset d’érudition et de créativité.
Il encourageait les poètes, les musiciens et les artistes, et était lui-même un humaniste passionné. Sa propre demeure était un salon où l’on discutait de néoplatonisme, où l’on récitait des vers et où l’on admirait les dernières créations artistiques. Sa sensibilité esthétique, combinée à son charisme, faisait de lui un animateur précieux de la vie culturelle florentine, jouant un rôle actif dans l’éclat de la Renaissance.
III. L’Ombre du Complot : La Conspiration des Pazzi
Mais la gloire et la popularité des Médicis suscitaient également l’envie et la jalousie. Florence, malgré son faste, était un nid de rivalités acharnées entre familles nobles. Les Pazzi, une autre puissante famille de banquiers florentins, supportaient de moins en moins l’hégémonie des Médicis.
A. Un Climat de Tensions
La fin des années 1470 fut marquée par une escalade des tensions. Les Pazzi, soutenus par d’autres familles rivales comme les Salviati – dont l’archevêque de Pise, Francesco Salviati, était un membre influent – ainsi que par le Pape Sixte IV lui-même, voyaient les Médicis comme des tyrans s’octroyant un pouvoir illégitime.
Sixte IV, désireux d’étendre son contrôle sur la Romagne, était en conflit financier et territorial avec Laurent. Les Médicis avaient bloqué une transaction cruciale pour le Pape, le poussant dans les bras des Pazzi. L’objectif était clair : éliminer les deux frères Médicis pour restaurer une « liberté » florentine conforme aux intérêts des conspirateurs et du Saint-Siège.
B. Le Dimanche Sanglant de Pâques (26 avril 1478)
Le complot fut minutieusement préparé. L’occasion choisie fut le dimanche de Pâques, le 26 avril 1478, lors de l’office solennel en la Cathédrale Santa Maria del Fiore, le Dôme de Florence. C’était un lieu symbolique, au cœur de la piété florentine, où les deux frères seraient présents et facilement accessibles.
Le plan était d’assassiner Laurent et Giuliano au moment précis de l’élévation de l’hostie, lorsque les fidèles s’agenouillaient et que l’attention était maximale. Les Pazzi avaient même recruté des mercenaires et des prêtres aux mœurs douteuses, comme le condottiere Giovan Battista da Montesecco et l’un des Salviati, pour accomplir cette tâche sordide.
Mais le destin est parfois capricieux. Au dernier moment, un des conjurés chargé de tuer Laurent, le prêtre Antonio Maffei da Volterra, hésita, son âme de clerc répugnant à un tel sacrilège. Ce léger délai fut fatal aux conspirateurs.
Quand le moment vint, Francesco de Pazzi et Bernardo Bandini Baroncelli se ruèrent sur Julien. Dans la confusion du service religieux, au milieu des chants et de l’encens, la violence éclata d’une brutalité inouïe. Dix-neuf coups de poignard, une sauvagerie qui marqua les esprits, mirent fin à une vie prometteuse en un instant de chaos et de sang. Giuliano s’effondra, son corps gisant sur le marbre sacré de la cathédrale.
Laurent, lui, fut attaqué par d’autres conjurés, mais, blessé seulement à l’épaule par Maffei et Stefano da Bagnone, parvint à se défendre avec l’aide de ses amis, notamment le poète Ange Politien, et à trouver refuge dans la sacristie, dont les lourdes portes le mirent à l’abri. Le plan, qui visait à éliminer les deux piliers de la famille Médicis, n’avait réussi qu’à moitié.
IV. L’Après-Coup : Vengeance et Postérité
La réaction de Florence fut immédiate et féroce. Loin d’embrasser la « liberté » promise par les Pazzi, le peuple florentin, fidèle aux Médicis qu’il tenait pour ses protecteurs et ses bienfaiteurs, se souleva contre les conspirateurs. Le cri « Palle ! Palle ! » (référence aux boules des armoiries Médicis) résonna dans les rues.
Laurent le Magnifique, ivre de douleur et de rage, organisa une répression implacable. Les conspirateurs furent traqués et exécutés avec une cruauté exemplaire. Francesco de’ Pazzi fut défenestré du Palazzo della Signoria, le lieu même du pouvoir républicain, puis pendu. L’archevêque Salviati fut pendu en ses robes épiscopales, spectacle macabre qui choqua l’Europe. Au total, la plupart des conjurés furent pendus, souvent encore vivants, à la fenêtre du Palazzo della Signoria, ou lynchés par la foule. Leurs corps furent laissés exposés pour l’exemple. Les Médicis rétablirent leur autorité plus solidement que jamais.
De cette tragédie, la postérité garda le souvenir de Julien. Et, contre toute attente, de sa mort naquit une nouvelle vie. Giuliano avait eu un fils illégitime avec Fioretta Gorini, né quelques semaines après son décès. Cet enfant, prénommé Giulio, allait connaître un destin extraordinaire. Élevé par son oncle Laurent, il devint un ecclésiastique puissant et, ironie du sort, accéda au trône papal sous le nom de Clément VII.
Ce fut lui qui, plus tard, refusa d’annuler le mariage d’Henri VIII, déclenchant le schisme anglican. La lignée de Giuliano n’était pas éteinte, elle allait même s’inscrire dans l’histoire de l’Europe de manière inattendue. Car il allait devenir, l’un des ancêtres de la branche française de la famille royale des Bourbons et plus tard la branche espagnole

Julien de Medicis par Sandro Botticelli
V. L’Héritage Inattendu : Des Reines de France
Ironie du sort, ou plutôt implacable marche de l’histoire, la lignée des Médicis, bien que marquée par cette tragédie, allait s’épanouir jusqu’à donner deux reines à la France.
Catherine de Médicis, la figure la plus célèbre, était la petite-fille de Laurent le Magnifique (et donc la petite-nièce de Giuliano). Son mariage avec Henri II en 1533 scella une alliance franco-italienne et fit d’elle une reine, puis une régente redoutée et influente, marquant de son empreinte l’histoire de France pendant la période tumultueuse des Guerres de Religion.
Plus tard, Marie de Médicis, arrière-petite-fille de Ferdinand Ier de Médicis (lui-même petit-fils de Laurent le Magnifique), devint reine de France en épousant Henri IV en 1600. Elle aussi joua un rôle majeur dans la politique française, notamment après l’assassinat de son époux, en assumant la régence pour son fils, le futur Louis XIII.
Ces deux femmes, issues de la branche de Laurent, illustrent la puissance et la longévité de l’influence médicéenne, bien au-delà des murs de Florence et des drames qui ont jalonné leur histoire. Le sang des Médicis, celui-là même qui animait Giuliano, s’est mêlé au sang royal français, unissant pour l’éternité l’héritage de la Renaissance florentine à celui de la monarchie française.
Conclusion –
Alors que je referme les chapitres de l’histoire de Giuliano de’ Medici, une question me hante : que serait devenue Florence si les couteaux de la conspiration des Pazzi n’avaient pas mis fin à sa vie si brutalement ? Aurait-il tempéré les ambitions de Laurent ? Aurait-il apporté une touche de légèreté et de popularité qui aurait pu éviter certaines frictions ? Nous ne le saurons jamais.
Giuliano est une figure poignante, un « et si » de l’histoire. Il fut le prince athlétique, l’esthète raffiné, le charmeur au sourire mélancolique, dont l’éclat fut fauché en pleine jeunesse. Il incarne la beauté éphémère et la cruauté implacable du pouvoir. Sa mort n’a pas seulement privé Florence d’un de ses fils les plus prometteurs ; elle a également renforcé la main de son frère, Laurent, qui, endurci par la douleur et la vengeance, a façonné un règne encore plus autoritaire et grandiose.
Mais Giuliano ne s’est pas évanoui dans l’oubli. Il vit à travers les vers d’Ange Politien, dans les traits immortalisés par Botticelli, et dans le souvenir de cette beauté et de cette grâce qui, un temps, ont illuminé Florence. Il était le « beau gosse » de la Renaissance, mais bien plus encore : il était l’âme populaire des Médicis, la partie sensible et accessible de leur puissance. Son destin tragique nous rappelle que même au summum de la beauté et du pouvoir, la vie peut être d’une fragilité désarmante. Et c’est peut-être cette vulnérabilité, cette promesse inachevée, qui rend son portrait si captivant, si humain, même des siècles après.

Julien de Médicis
Michel-Ange Buronarroti – Giovanni Angelo Montorsoli – chapelles des Médicis en 1526
sculpture Matériau : marbre Hauteur : 168 centimètre – Largeur : 80 centimètre Collection : chapelles des Médicis Partie de : tombeau de Julien de Médicis
Localisation : basilique San Lorenzo Mouvement : Haute Renaissance
Genre : portrait sculpté Dépeint : homme – Julien de Médicis
Sources et Liens :
Voici quelques sources fiables et majoritairement en français pour approfondir le sujet :
- Wikipédia – Giuliano de’ Medici : Une bonne base pour les informations générales et les dates.
- Wikipédia – Conspiration des Pazzi : Détails sur le complot et ses acteurs.
- Musée du Louvre – Portrait de Giuliano de’ Medici par Botticelli : Informations sur l’œuvre et l’artiste.
- Google Arts & Culture – Les Médicis : Un portail riche en œuvres d’art et en informations contextuelles sur la famille.
- https://artsandculture.google.com/partner/the-medici-family (Contenu multilingue, dont français)
- BnF Essentiels – Catherine de Médicis : Pour le lien avec les reines de France.
- Histoire pour Tous – Laurent le Magnifique : Pour comprendre la dynamique fraternelle et le règne de Laurent.
- Larousse – Médicis (famille) : Un aperçu général et fiable sur la famille.
- chapelles des Médicis : www.polomuseale.firenze.it/musei/cappellemedicee
- Catégorie Commons
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Ces liens vous permettront d’explorer encore davantage l’histoire fascinante de Giuliano et de sa famille.
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