L’Oeuf de Pierre Le Grand. Histoire captivante  que celle de l’Œuf de Pierre le Grand, un chef-d’œuvre de Fabergé offert par Nicolas II à son épouse: l’Impératrice Alexandra Fedorovna pour les fêtes de Pâques en 1903,our commémorer la création de la ville de St Petersbourg par son ancêtre l’Empereur Pierre le Grand.

Symbole de l’ambition démesurée du tsar fondateur de Saint-Pétersbourg, cet œuf précieux cache des secrets, des récits de gloire et des échos d’une Russie impériale à jamais disparue. Découvrez son art sublime, ses symboles cachés et son destin tumultueux, témoin silencieux d’un passé émotionnant qui continue de fasciner les cœurs. Une ode à l’histoire, à l’amour impérial et à l’art joaillier.

Chers lecteurs, chères âmes sensibles à la magie de l’histoire, permettez-moi de vous emmener en voyage, non pas dans l’espace, mais dans le temps. Aujourd’hui, je souhaite partager avec vous un trésor qui, plus qu’un simple objet d’art, est une véritable capsule temporelle, un fragment d’âme impériale : l’Œuf Fabergé de Pierre le Grand. Il y a des objets qui, par leur beauté et leur histoire, touchent au sublime, et celui-ci est, sans conteste, l’un d’entre eux.

Imaginez. Nous sommes en 1903. La Russie impériale brille de ses derniers feux, mais ses élites ignorent encore le drame qui se prépare. Pâques approche, et avec elle, la tradition des cadeaux somptueux au sein de la famille impériale. Le tsar Nicolas II, un homme tiraillé entre son amour profond pour sa famille et le poids écrasant de sa couronne, s’apprête à offrir à son Impératrice bien-aimée, Alexandra Fiodorovna, un présent d’une beauté et d’une signification inouïes. Ce n’est pas qu’un simple bijou ; c’est une déclaration d’amour, un hommage à la grandeur de leur lignée, et un pont entre deux époques fastueuses.

Le tsar Nicolas II et l'impératrice Alexandra dégustant un repas, peut-être un thé de cinq heures, sur le balcon du palais Alexandre, en 1915.  Source: Archive des Romanov
Le tsar Nicolas II et l’impératrice Alexandra dégustant un repas, peut-être un thé de cinq heures, sur le balcon du palais Alexandre, en 1915. Source: Archive des Romanov

L’Œuf de Pierre le Grand, comme il est désormais connu, n’est pas seulement un chef-d’œuvre de joaillerie ; il est une narration gravée dans l’or et l’émail, célébrant les 200 ans de la fondation de Saint-Pétersbourg. Nicolas II, conscient de l’héritage colossal de son ancêtre, a commandé à la Maison Fabergé un œuf qui incarnerait la puissance visionnaire de Pierre le Grand.

Un ancêtre dont la stature physique – 2m03, un géant pour son époque ! – n’était que le reflet de son ambition démesurée et de sa détermination farouche à faire entrer la Russie dans la modernité. Il n’a pas seulement bâti une ville ; il a sculpté une nouvelle identité pour tout un empire, arrachant la Russie aux brumes du passé pour la projeter vers l’Occident.

Saint petersbourg la ville construite par le Tsar Pierre Le Grand amateur d'art et d'oeuf Fabergé
Saint petersbourg la ville construite par le Tsar Pierre Le Grand amateur d’art et d’oeuf Fabergé

Le Corps de l’Œuf : Un Dialogue entre Art et Histoire

Dès le premier regard, cet œuf Fabergé captive. Son corps, ouvragé en or varicolore – c’est-à-dire un mélange précieux de différentes teintes d’or – dégage une aura de sophistication exquise. Le style Rococo-revival, avec ses courbes élégantes et ses motifs floraux délicats, en est l’expression parfaite. C’est un style qui évoque la France du XVIIIe siècle, une période d’apogée artistique et de raffinement, et il n’est pas étonnant que Fabergé se soit inspiré d’un nécessaire français avec horloge, toujours conservé dans les collections impériales de l’Hermitage. Cette inspiration n’est pas une simple copie, mais une réinterprétation magistrale qui ancre l’œuvre dans une tradition de luxe et d’excellence.

Mais au-delà de sa beauté formelle, le corps de l’œuf est un livre ouvert sur l’histoire russe, riche en symboles qui résonnent encore aujourd’hui. Les roses et les feuilles de laurier, finement travaillées en or, ne sont pas de simples ornements ; elles sont, en Russie impériale, les emblèmes intemporels du triomphe, de la fierté et de la gloire. Chaque pétale, chaque feuille murmure des récits de victoires et de prestiges.

Ce qui me touche le plus dans cette parure végétale, ce sont les scirpes – ces roseaux des marais – délicatement représentées à gauche et à droite des portraits. Elles sont là pour nous rappeler l’incroyable défi que Pierre le Grand s’est lancé : bâtir une capitale monumentale, Saint-Pétersbourg, sur un simple marécage inhospitalier. On peut presque sentir l’humidité de ces terres, imaginer le labeur acharné de milliers d’hommes, le bruit des pieux enfoncés dans la boue. Ces roseaux symbolisent l’humble origine de cette ville grandiose, le prodige d’une volonté inébranlable qui a transformé un rêve impossible en une réalité flamboyante.

Oeuf Fabergé des Tsars de Russie. Source Victoria & Albert Museum
Oeuf Fabergé des Tsars de Russie. Source Victoria & Albert Museum

L’œuf joue aussi sur la confrontation des époques en présentant sur ses flancs deux médaillons iconiques. D’un côté, le portrait de Nicolas II, le tsar régnant, humblement posé face à son illustre prédécesseur. Il y a quelque chose de poignant dans ce face-à-face, une reconnaissance du poids de l’histoire et de la lourde responsabilité qui pèse sur ses épaules.

De l’autre côté, Pierre le Grand lui-même, l’ancêtre fondateur, dont le regard semble encore percer l’avenir. Cet œuf n’est pas seulement un hommage ; c’est un dialogue silencieux entre le passé et le présent, une manière pour Nicolas II de s’inscrire dans une continuité impériale glorieuse, et pour Alexandra de recevoir une œuvre qui célèbre non seulement l’amour de son époux, mais aussi la grandeur de la dynastie à laquelle elle appartient.

Des Médaillons qui Rendent Hommage : L’Humble Cabane et le Palais Somptueux

La narration historique se poursuit avec deux autres médaillons à l’aquarelle, véritables miniatures d’art, peintes sur ivoire – un support d’une délicatesse exquise – et protégées non pas par un simple verre, mais par un cristal de roche, une gemme d’une pureté et d’une clarté incomparables, qui amplifie l’éclat des peintures.

À l’arrière, juste en dessous de la date « 1703 » incrustée de diamants scintillants, se déploie une scène d’une simplicité désarmante mais d’une force symbolique immense : une humble cabane en rondins. Cette modeste demeure est celle que Pierre le Grand aurait, disait-on, bâtie de ses propres mains sur le site même de la future Saint-Pétersbourg. Imaginez l’émotion de l’Impératrice en découvrant cette image : le plus grand des tsars, un homme de vision et d’action, n’hésitant pas à s’abaisser aux tâches les plus rudes pour concrétiser son rêve.

Ce médaillon n’est pas seulement une représentation historique ; c’est un mythe, un témoignage de la simplicité et du pragmatisme d’un bâtisseur qui ne craignait pas de se salir les mains. C’est l’incarnation de l’esprit pionnier, de cette volonté de défricher, de créer à partir de rien.

En contraste saisissant, sur le devant de l’œuf, sous la date « 1903 » elle aussi en diamants, se révèle l’image grandiose et luxueuse du Palais d’Hiver. Avec ses mille chambres, ce palais n’est pas seulement la résidence principale des tsars, mais le cœur battant de l’Empire, le théâtre de bals somptueux, de réceptions d’État et de décisions qui ont façonné l’histoire.

C’est le lieu où Nicolas II lui-même résidait, où il recevait ses hôtes et divertissait la cour. Cette juxtaposition est puissante : elle met en lumière le chemin parcouru en deux siècles, de la rudesse du marécage et de la cabane spartiate à l’opulence baroque d’une capitale européenne. C’est l’histoire de la Russie, de son évolution fulgurante, encapsulée dans un objet d’une poésie rare. C’est une histoire de triomphe, mais aussi, pour nous, observateurs posthumes, une résonance mélancolique des temps révolus.

La Surprise : Le Cavalier de Bronze en Miniature

Mais, chers amis, un œuf Fabergé ne serait pas complet sans sa surprise, et celle de l’Œuf de Pierre le Grand est à couper le souffle. Au cœur de cette merveille se cache une réplique miniature, d’une fidélité incroyable, de la célèbre statue équestre d’Étienne-Maurice Falconet : le Cavalier de Bronze. Cette statue monumentale de Pierre le Grand, commandée par Catherine la Grande en 1782, trône majestueusement sur la Place du Sénat, sur les rives de la Neva, et est devenue l’emblème même de Saint-Pétersbourg. Elle incarne la puissance, le mouvement, l’irrépressible élan de la Russie vers l’avenir.

Imaginez la scène : l’Impératrice Alexandra ouvre l’œuf, et sous ses yeux ébahis, une statue en bronze doré, parfaite dans ses moindres détails, s’élève comme par magie du fond de l’écrin en or. Elle est posée sur un rocher en saphir, évoquant le socle original, le légendaire « Pierre de Tonnerre », un bloc de granit gigantesque transporté sur des kilomètres pour servir de piédestal à la statue. La capacité de Fabergé à recréer cette force et cette grandeur dans un format si réduit est une prouesse technique et artistique qui défie l’entendement. Chaque ligne, chaque courbe de la miniature rend hommage à l’œuvre originale, capturant l’énergie dynamique du cheval cabré et la posture autoritaire du tsar.

L’effet visuel est absolument dramatique : le bronze doré de la statue contraste magnifiquement avec l’émail guilloché jaune d’or de l’intérieur de l’œuf. C’est un jeu de lumière et de matière qui souligne la préciosité de la surprise. Et comme toujours chez Fabergé, le diable est dans les détails : la plateforme, les garde-corps délicats, et les clôtures en chaîne qui soutiennent et encadrent ce modèle réduit sont tous en or. Chaque élément est pensé pour émerveiller, pour créer une expérience unique et inoubliable. Pour cette merveille, Fabergé a facturé à l’Empereur la somme considérable de 9 760 roubles en 1903. Un prix qui témoigne de l’excellence inégalée et du génie créatif de la Maison.

La surprise de cet œuf est une réplique miniature de la statue du cavalier de bronze d’Etienne-Maurice Falconet, qui est une statue équestre de Pierre le Grand, commandée par Catherine la Grande en 1782. Elle se trouve toujours sur la place du Sénat, sur les rives du la rivière Neva et est devenu le symbole de la ville. Lorsque l’Oeuf est ouvert, la statue en bronze doré posée sur un rocher en saphir (en forme du socle original de Thunder Stone) s’élève du fond de l’Oeuf.

Il est dramatiquement comparé à l’émail guilloché jaune d’or de la couverture en relief de l’Oeuf. La plate-forme, les garde-corps et les clôtures à chaîne qui supportent et entourent le modèle sont tous fabriqués en or. Fabergé a facturé à l’Empereur 9760 roubles pour cet oeuf en 1903.

Le Voyage de l’Œuf : D’un Trésor Impérial à un Joyau Mondial

L’histoire de l’Œuf de Pierre le Grand ne s’arrête pas à la cour impériale. Elle nous entraîne dans le tourbillon de l’histoire du XXe siècle, un récit parfois douloureux, toujours fascinant, de confiscations, de ventes secrètes et de renaissances.

Après la Révolution d’Octobre 1917, le destin des trésors impériaux bascule. La famille Romanov est brutalement exécutée, et leurs biens, y compris les œufs Fabergé, sont confisqués par le nouveau régime soviétique. Ces objets, symboles de l’éclat d’une ère révolue, sont stockés, parfois négligés, avant d’être considérés comme des actifs à monétiser. En 1927, les Soviétiques évaluent cet œuf à 16 008 roubles. Mais la Grande Dépression et le besoin désespéré de devises étrangères poussent l’Antikvariat de l’URSS à brader ces trésors.

En 1933, l’Œuf de Pierre le Grand est vendu à un acheteur anonyme pour une somme dérisoire de 4 000 roubles. Quelle ironie tragique ! Un objet d’une telle valeur historique et artistique, fruit d’un savoir-faire inégalé, cédé pour une bouchée de pain dans la tourmente politique.

Cet acheteur anonyme aurait pu être Alexandra Schaffer, figure emblématique de la Galerie des Trésors Impériaux Russes à New York. C’est à travers des marchands d’art comme elle que nombre de ces merveilles ont échappé à la destruction ou à l’oubli. En 1941, les Schaffers s’associent avec A la Vieille Russie (ALVR) de Paris, et les Trésors Impériaux Russes deviennent ALVR à New York, jouant un rôle crucial dans la préservation et la diffusion de l’art russe à travers le monde.

C’est ainsi que l’œuf traverse l’Atlantique, trouvant un nouveau foyer chez une collectionneuse américaine. En 1942, Mrs. Lillian Thomas Pratt, une figure éminente de la philanthropie et une collectionneuse avisée, accepte d’acquérir cet œuf pour 16 500 $. Mais ce qui rend cette transaction particulièrement touchante, c’est la façon dont elle a été réalisée : Mrs. Pratt paya l’œuf en 33 mensualités, allant de 150 $ à 750 $, de février 1942 à décembre 1944. Cette anecdote humanise l’acquisition, montrant un véritable engagement personnel, une passion sincère pour l’art qui allait au-delà d’une simple transaction financière.

Elle ne recherchait pas la gloire éphémère d’une acquisition rapide, mais le plaisir durable d’intégrer ce fragment d’histoire à sa collection, par petites touches, avec dévotion. Sa collection fut par la suite léguée au Virginia Museum of Fine Arts, où il réside aujourd’hui, accessible au public. Le diamètre de l’œuf, seulement 10,8 cm (4,25 pouces) de haut, contraste avec la monumentalité de son histoire et de sa signification.

Aujourd’hui, cet œuf emblématique a vu sa valeur estimée dépasser les 25 millions de dollars. Au-delà des chiffres, cette explosion de valeur témoigne de son statut inégalé en tant qu’œuvre d’art, de son importance historique et de sa rareté. Il n’est pas seulement un vestige du passé ; il est une preuve vivante du génie humain, de la persévérance artistique et de la capacité de l’art à survivre aux tumultes du temps.

Conclusion : Le Murmure de l’Histoire

L’Œuf Fabergé de Pierre le Grand est bien plus qu’une simple pièce de joaillerie. Il est un poème silencieux, gravé dans l’or et les pierres précieuses, qui nous parle d’amour, d’ambition, de pouvoir et d’héritage. De sa création somptueuse en hommage à un tsar bâtisseur à son voyage mouvementé à travers les bouleversements du XXe siècle, cet œuf a tout vu, tout traversé. Il est le témoin privilégié d’une histoire impériale à jamais éteinte, mais dont l’écho continue de vibrer en lui.

Chaque détail de cet œuf – les roseaux du marécage, l’humble cabane, le Palais d’Hiver, le Cavalier de Bronze – raconte une facette de la Russie, de ses rêves les plus fous à ses réalisations les plus grandioses. Il nous rappelle la vision audacieuse de Pierre le Grand, la tendresse de Nicolas II envers son épouse, et la fragilité des empires.

Aujourd’hui, en contemplant cet œuf, nous ne voyons pas seulement un objet d’une beauté exquise. Nous ressentons le souffle de l’histoire, la passion des artistes qui l’ont créé, l’émotion de ceux qui l’ont possédé. Il est une invitation à la rêverie, un pont entre notre époque et celle des tsars. Et c’est cette capacité de l’art à transcender les âges, à toucher nos cœurs et à éveiller notre imagination, qui en fait un trésor inestimable, bien au-delà de sa valeur matérielle. L’Œuf de Pierre le Grand n’est pas mort avec la fin de la dynastie ; il vit en chacun de nous, dans notre admiration pour la beauté et notre soif d’histoires.

Sources et Liens Vérifiables :

  1. Virginia Museum of Fine Arts (VMFA):

  2. Fabergé.com (Site officiel de la Maison Fabergé):

  3. The Link of Times Foundation / Fabergé Museum (Saint-Pétersbourg):

    • Bien que cet œuf ne soit pas dans leur collection, leur site est une excellente ressource générale sur Fabergé et les œufs impériaux. https://fabergemuseum.ru/ (en anglais et russe)
  4. A La Vieille Russie (ALVR):

    • Marchand d’art historique ayant eu l’œuf en sa possession : https://alvr.com/ (certaines de leurs archives peuvent être consultées).
  5. Livres et Catalogues d’Exposition:

    • Fabergé’s Eggs: The Imperial Russian Eggs 1885-1917 par Tatiana F. Fabergé, Lynette G. Proler, Valentin V. Skurlov. (Ouvrage de référence).
    • Fabergé, Joaillier des Tsars par Géza von Habsburg. (Catalogue d’expositions).

 

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